A l’occasion de la sortie de son dernier ouvrage (« Après Bush : Pourquoi l’Amérique ne changera pas ? » aux Editions Choiseul), Regard sur les Etats-Unis est allé à la rencontre de Yannick Mireur, politologue, spécialiste des Etats-Unis, fondateur et rédacteur en chef de la revue Politique Américaine.
Au cours de notre entretien, M. Mireur revient sur les derniers évènements de la campagne présidentielle et nous offre sa vision d’une Amérique qui doute.
REU : Dans votre dernier ouvrage (« Après Bush : Pourquoi l’Amérique ne changera pas ? ») vous affirmez que malgré la situation actuelle de l’Amérique et le bilan des 8 années de présidence Bush, les candidats démocrates et républicains à la présidentielle de 2008 risquent de ne pas pouvoir/vouloir changer profondément la politique du pays. Qu’est-ce qui explique, selon vous, le fait que les américains soient peu enclins au renouvellement ?
Y. Mireur : Ce n'est pas que les américains ne sont pas enclins au changement, bien au contraire, l'Amérique est une terre d'adaptation et d'innovation. Mais il existe des forces, des lignes de fond, que je crois assez immuables. Malgré leurs profils peu conventionnels, John McCain et Barack Obama incarnent chacun à leur manière cette permanence américaine faite de patriotisme, d'attachement aux valeurs familiales et de religiosité (ce dernier point étant plus vrai pour Obama que pour McCain).
L'Amérique qui ne changera pas, c'est aussi une mise en garde contre les attentes irrationnelles en Europe sur une « révolution Obama ». L’électeur démocrate devra prendre en compte les intérêts nationaux américains et suivre « grosso modo » une politique traditionnelle avec laquelle a rompu George W. Bush. Mais l'Irak sera un héritage inévitable et Barack Obama ne pourra pas, s'il est élu, replier les troupes du jour au lendemain. Au fond, sa position se rapproche assez désormais de celle de John McCain. Les réalités s'imposent.
REU : Alors que le mandat de George W. Bush s’achève, qu’y a-t-il à espérer de cette élection présidentielle ? De plus, beaucoup de choses ont changé ces huit dernières années, les américains se posent-ils des questions nouvelles qu’ils ne se posaient pas juste après les attentats du 11 septembre 2001 ?
Y. Mireur : Oui, l'angoisse liée à la mondialisation et à la transformation du capitalisme américain est devenue de plus en plus marquante. Le grand centre de classes moyennes créé par le New Deal de Franklin Roosevelt et qui puise dans les idées du Square Deal de Theodore Roosevelt (républicain qui fut le père du progressisme), est mis à mal. Santé et pouvoir d'achat sont deux points clés qui sont apparus avec beaucoup plus de netteté depuis 2 ou 3 ans.
REU : La population est-elle plus préoccupée par la situation en Afghanistan ou en Irak, ou par la crise économique et financière actuelle ? La question du réchauffement climatique préoccupe-t-elle vraiment les américains ?
Y. Mireur : Bien sur que la sécurité nationale préoccupe les américains et je pense qu'ils comprennent aujourd'hui l'erreur monumentale à avoir envahi l'Irak et délaissé le front afghan. Barack Obama avait vu juste sur ce point. Mais le terrorisme s'éloigne de leurs soucis tandis qu'en effet la sécurité économique s'impose. D'autant qu'ils ont conscience, pour partie, de ce que j'appelle « le choc des prospérités », c'est à dire l'intégration économique avec la Chine notamment. Cela affecte directement leur situation. Ils réalisent que la politique économique extérieure fait partie des éléments qui déterminent la santé du capitalisme américain. Les questions de redistribution sont au cœur du débat (notamment celles relatives à la fiscalité). Mais l'innovation technologique est un moteur des changements, plus encore que la "mondialisation" qu'elle alimente.
REU : Que vous inspire la désignation de Joseph Biden comme colistier de Barack Obama et de Sarah Palin comme colistière de John McCain ?
Y. Mireur : Tout d’abord, Joe Biden répond parfaitement à ce que recherchait Barack Obama, c'est-à-dire « un McCain » - un homme d'âge mur, expérimenté notamment en matière de politique internationale. En cas de disparition du Président, Joe Biden saura, je pense, prendre la relève. Par ailleurs, les relations personnelles entre les deux hommes sont bonnes, je crois, ce qui facilitera l'action d'un Président Obama. Enfin d'un point de vue électoral, Joe Biden attire des électeurs qui penchaient plutôt pour Clinton.
Quant à Sarah Palin, elle rassure l'électorat de droite qui n'aime pas John McCain car il est trop indépendant d'esprit et pas assez militant sur les questions de mœurs (gays, avortement...). Elle incarne une Amérique immuable, qui survivra à George W. Bush : celle des petites villes attachées à « l'authenticité » des candidats. Sarah Palin, c'est l'Amérique vraie, celle qui ne ment pas (elle a mis ses actes en accord avec ses principes suite à l'affaire de la grossesse de sa fille). Elle devrait par ailleurs, attirer les votes des électeurs indécis et des démocrates conservateurs. Ce choix est bon électoralement et symboliquement (Sarah Palin incarne mieux l'Amérique que Nancy Pelosi par exemple...). En revanche, si John McCain venait à décéder, son CV serait plutôt léger. Il faudra dans ce cas, qu’elle soit bien entourée. Ceci étant, la plupart du temps, les Présidents américains ont toujours su bien s'entourer. M. Reagan n'était pas un « intellectuel », pourtant il a choisi une équipe remarquable. Sarah Palin pourrait faire de même, en de telles circonstances.
Au cours de notre entretien, M. Mireur revient sur les derniers évènements de la campagne présidentielle et nous offre sa vision d’une Amérique qui doute.
REU : Dans votre dernier ouvrage (« Après Bush : Pourquoi l’Amérique ne changera pas ? ») vous affirmez que malgré la situation actuelle de l’Amérique et le bilan des 8 années de présidence Bush, les candidats démocrates et républicains à la présidentielle de 2008 risquent de ne pas pouvoir/vouloir changer profondément la politique du pays. Qu’est-ce qui explique, selon vous, le fait que les américains soient peu enclins au renouvellement ?
Y. Mireur : Ce n'est pas que les américains ne sont pas enclins au changement, bien au contraire, l'Amérique est une terre d'adaptation et d'innovation. Mais il existe des forces, des lignes de fond, que je crois assez immuables. Malgré leurs profils peu conventionnels, John McCain et Barack Obama incarnent chacun à leur manière cette permanence américaine faite de patriotisme, d'attachement aux valeurs familiales et de religiosité (ce dernier point étant plus vrai pour Obama que pour McCain).
L'Amérique qui ne changera pas, c'est aussi une mise en garde contre les attentes irrationnelles en Europe sur une « révolution Obama ». L’électeur démocrate devra prendre en compte les intérêts nationaux américains et suivre « grosso modo » une politique traditionnelle avec laquelle a rompu George W. Bush. Mais l'Irak sera un héritage inévitable et Barack Obama ne pourra pas, s'il est élu, replier les troupes du jour au lendemain. Au fond, sa position se rapproche assez désormais de celle de John McCain. Les réalités s'imposent.
REU : Alors que le mandat de George W. Bush s’achève, qu’y a-t-il à espérer de cette élection présidentielle ? De plus, beaucoup de choses ont changé ces huit dernières années, les américains se posent-ils des questions nouvelles qu’ils ne se posaient pas juste après les attentats du 11 septembre 2001 ?
Y. Mireur : Oui, l'angoisse liée à la mondialisation et à la transformation du capitalisme américain est devenue de plus en plus marquante. Le grand centre de classes moyennes créé par le New Deal de Franklin Roosevelt et qui puise dans les idées du Square Deal de Theodore Roosevelt (républicain qui fut le père du progressisme), est mis à mal. Santé et pouvoir d'achat sont deux points clés qui sont apparus avec beaucoup plus de netteté depuis 2 ou 3 ans.
REU : La population est-elle plus préoccupée par la situation en Afghanistan ou en Irak, ou par la crise économique et financière actuelle ? La question du réchauffement climatique préoccupe-t-elle vraiment les américains ?
Y. Mireur : Bien sur que la sécurité nationale préoccupe les américains et je pense qu'ils comprennent aujourd'hui l'erreur monumentale à avoir envahi l'Irak et délaissé le front afghan. Barack Obama avait vu juste sur ce point. Mais le terrorisme s'éloigne de leurs soucis tandis qu'en effet la sécurité économique s'impose. D'autant qu'ils ont conscience, pour partie, de ce que j'appelle « le choc des prospérités », c'est à dire l'intégration économique avec la Chine notamment. Cela affecte directement leur situation. Ils réalisent que la politique économique extérieure fait partie des éléments qui déterminent la santé du capitalisme américain. Les questions de redistribution sont au cœur du débat (notamment celles relatives à la fiscalité). Mais l'innovation technologique est un moteur des changements, plus encore que la "mondialisation" qu'elle alimente.
REU : Que vous inspire la désignation de Joseph Biden comme colistier de Barack Obama et de Sarah Palin comme colistière de John McCain ?
Y. Mireur : Tout d’abord, Joe Biden répond parfaitement à ce que recherchait Barack Obama, c'est-à-dire « un McCain » - un homme d'âge mur, expérimenté notamment en matière de politique internationale. En cas de disparition du Président, Joe Biden saura, je pense, prendre la relève. Par ailleurs, les relations personnelles entre les deux hommes sont bonnes, je crois, ce qui facilitera l'action d'un Président Obama. Enfin d'un point de vue électoral, Joe Biden attire des électeurs qui penchaient plutôt pour Clinton.
Quant à Sarah Palin, elle rassure l'électorat de droite qui n'aime pas John McCain car il est trop indépendant d'esprit et pas assez militant sur les questions de mœurs (gays, avortement...). Elle incarne une Amérique immuable, qui survivra à George W. Bush : celle des petites villes attachées à « l'authenticité » des candidats. Sarah Palin, c'est l'Amérique vraie, celle qui ne ment pas (elle a mis ses actes en accord avec ses principes suite à l'affaire de la grossesse de sa fille). Elle devrait par ailleurs, attirer les votes des électeurs indécis et des démocrates conservateurs. Ce choix est bon électoralement et symboliquement (Sarah Palin incarne mieux l'Amérique que Nancy Pelosi par exemple...). En revanche, si John McCain venait à décéder, son CV serait plutôt léger. Il faudra dans ce cas, qu’elle soit bien entourée. Ceci étant, la plupart du temps, les Présidents américains ont toujours su bien s'entourer. M. Reagan n'était pas un « intellectuel », pourtant il a choisi une équipe remarquable. Sarah Palin pourrait faire de même, en de telles circonstances.
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