Regard sur les Etats-Unis

dimanche 16 décembre 2007

Le New Jersey abolit la peine capitale

Ce jeudi 13 Décembre 2007, les parlementaires de l’Etat Nord américain du New Jersey ont décidé d’abolir la peine de mort pour la remplacer par une peine de prison incompressible. La décision était attendue mais son adoption marque un tournant dans le dossier de l’abolition de la peine de mort aux Etats-Unis.
Le texte a été adopté par 44 voix contre 36. Il reste tout de même une dernière formalité pour que le texte entre dans le droit positif : sa promulgation par le gouverneur Jon Corzine. Mais ce dernier a déjà fait savoir qu’il ne s’y opposerait pas.
Les abolitionnistes parlent d’un tournant historique. Pourtant cette annonce illustre une véritable tendance de fond outre-Atlantique : les américains dans leur ensemble commencent à se détourner de la peine capitale. Preuve en est : la constante diminution du nombre d’exécutions depuis le pic de 1999. Pour autant, il existe une véritable disparité de situation entre les différents Etats. A ce jour, 12 Etats ne pratiquent pas la peine de mort. Dans les 38 Etats où elle est autorisée, certains l’appliquent régulièrement, d’autres parfois et certains jamais.
Au niveau des sondages effectués sur la population américaine, on commence à relever une légère désaffection à l’égard de la peine capitale : à la question de savoir si une personne qui a commis un homicide doit-elle être punie par la peine capitale, 2/3 des interrogés y sont toujours favorables contre 4/5 en 1994.
Pour analyser ces chiffres il est nécessaire de revenir quelques années en arrière. En 1976, la population américaine était favorable à la peine de mort pour plusieurs raisons : l’effet dissuasif, les convictions religieuses (loi du Talion) et pour des raisons financières. Sur ce dernier point, les américains ne souhaitaient pas nourrir et loger un condamné à mort jusqu’à la fin de sa vie, en dépensant l’argent public.
Les choses ont évolué depuis quelques années. Tout d’abord, certains économistes se sont penchés sur la question du coût réel d’une exécution à mort. Les résultats sont édifiants : il revient beaucoup plus cher de procéder à une exécution que de détenir un prisonnier jusqu’à la fin de sa vie. Pour quelles raisons ? Il faut bien comprendre tout le processus juridique d’une condamnation à mort. Les condamnés ont recourt à tous les moyens juridiques à leur disposition. Les avocats défendant leur client, peuvent passer plus d’une dizaine d’année pour contester les faits et défendre la culpabilité de l’accusé. Le système de l’appel s’est considérablement développé. Toutes ces étapes coûtent excessivement cher au contribuable.
Les abolitionnistes arguent également du fait que l’injection létale n’est pas aussi indolore que ce que certains experts prétendent. Sur ce point, il semble que les associations contre la peine de mort aient réussi à mobiliser l’opinion publique : la Cour Suprême est actuellement entrain d’examiner cette méthode d’exécution. Sur la question de la douleur lors de l’exécution, les abolitionnistes ont été « aidés » par plusieurs scandales retentissants. Par exemple, en Floride, le gouverneur a momentanément suspendu toutes les condamnations à mort à la suite d’une exécution catastrophique où un condamné à mort s’était vu administré la substance létale dans un muscle au lieu d’une veine. Le condamné est décédé après 34 minutes d’agonie.
Ce qui fait actuellement réfléchir de nombreux spécialistes, est l’incertitude dans la culpabilité du condamné à mort. Depuis 1972, 124 condamnés à mort ont évité la peine capitale à cause de doutes sur leur culpabilité.
Une des statistiques les plus importantes est certainement celle relative au nombre d’homicides par Etat. On estime qu’il y aurait en moyenne 50% d’homicides en plus dans les Etats pratiquant la peine de mort que dans ceux l’ayant abolie. L’effet dissuasif n’est apparemment plus d’actualité lui aussi.
De plus une autre statistique inquiétante montre que 30% des affaires de crimes aux Etats-Unis sont non-résolues. Compte tenu du prix d’une exécution, ne vaudrait-il pas mieux dépenser l’argent public dans la création de services spécialisés dans les affaires non résolues ? C’est ce qu’un député du Colorado, Paul Weissman a tenté de faire appliquer en vain dans son Etat.
Pour autant ne nous trompons pas, la pratique de la peine de mort n’est pas entrain de disparaitre en Amérique. Des Etats comme le Texas essaient même d’étendre l’application de l’exécution à d’autres crimes comme les cas de viols sur mineurs. Mais la tendance actuelle tend vers une utilisation moins systématique de cette pratique. Un débat qui est encore loin d’être achevé…

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